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Temoignage du cardinal Van Thuan

Le cardinal François-Xavier Van Thuan, ancien président du Conseil pontifical Justice et Paix, a été le premier Postulateur de la Cause de béatification du frère Marcel Van, C.Ss.R. Dans ce texte, il présente la Cause de béatification et ce pourquoi il s'y est engagé comme premier répondant devant l'Eglise.

Il y a un proverbe vietnamien qui dit : « Le ciel t'envoie ce que tu veux éviter ». Je dois avouer que j'admire les experts qui travaillent pour examiner les Causes des saints : c'est une oeuvre qui demande d'être consciencieux, voire minutieux, scientifique. Analyser les écrits, chercher les témoins, vérifier, discerner. Je les admire, mais j'ai peur de ce travail. Et voilà qu'on me demande d'être postulateur de la Cause de Marcel Van !

J'étais sceptique. J'ai voulu décliner la proposition parce que j'étais trop occupé. Mais c'est délicat, vu les circonstances que nous vivons. Il faut chercher la vérité, éviter les divisions, s'efforcer de faire la communion. Prier, travailler, espérer, uniquement pour la gloire de Dieu et servir les âmes. J'ai commencé à lire les documents, à rencontrer les personnes qui travaillent à cette Cause avec ferveur. Petit à petit, je suis entré plus profondément dans la vie de Marcel Van. (...)

Une Cause de béatification demande un travail scientifique, minutieux, inspiré seulement par la foi. Il faut l'entreprendre en toute sérénité et impartialité. Je me demande en premier lieu pourquoi le procès de béatification a commencé au Canada, puis s'est poursuivi à Ars, et pas au Vietnam, dans son diocèse d'origine, Bac Ninh au Nord-Vietnam ?

Il faut chaque fois remonter à la source : en 1954, après la division du Vietnam en deux parties, à partir du 17ème parallèle, la famille de Marcel Van a quitté le Nord pour aller s'installer au Sud Vietnam, dans le diocèse de Xuan Loc. Il y a 25 ans, Monseigneur Dominique Nguyen Van Lang, un de mes vieux amis que j'ai connu à l'Université Urbanienne de Rome en 1956, devint évêque de ce diocèse. Or Lang, quand il était séminariste, a connu le petit Van et l'a conduit au train pour aller faire sa probation auprès du Curé de Quang Uyen. Devenu évêque, Mgr Lang s'est intéressé à la Cause de celui qui venait du même diocèse que lui et dont une partie de la famille avait élu domicile dans son diocèse actuel.

Vu les difficultés des années 1975-1988, Mgr Lang a demandé le transfert de la Cause au Québec, ce que l'évêque Mgr Charles Valois a accepté, considérant qu'un certain nombre de membres de la famille de Marcel Van était exilé sur son diocèse de saint-Jérôme, avec notamment sa petite soeur Tê chez les Soeurs rédemptoristines de sainte Thérèse. Une autre raison très valable pour ce transfert, c'est que les anciens supérieurs rédemptoristes de Marcel Van, tant vietnamiens que canadiens anciens missionnaires au Vietnam, en particulier le Père Boucher, son directeur spirituel, se trouvaient alors au Canada, ce qui facilita énormément la collecte des informations requises.

Le Père Boucher est rappelé à la Maison du Père après avoir rempli sa mission. Les informations nécessaires ont été en principe rassemblées au Canada. C'est alors que l'association "Les Amis de Van" a jugé plus pratique de transférer le travail en Europe, sur le conseil et avec l'accord de Mgr Charles Valois, et Mgr Guy Bagnard a accepté ce nouveau transfert. Chaque fois, les démarches ont été soumises à Rome, et approuvées par les Autorités de la Congrégation pour les Causes des Saints.

Le transfert de la Cause de Marcel Van en Europe était nécessaire, parce qu'il était bon de ne pas être trop loin de Rome, où se déroulait le procès canonique et où se trouve aussi la Maison-Mère des Rédemptoristes. La Cause passe donc à Ars puisque Mgr Guy Bagnard a eu l'amabilité et le courage d'accéder à la demande de l'Association "Les Amis de Van". Marcel Van est un grand ami de la France, il a une dévotion très spéciale à sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, et sa spiritualité constitue un excellent message pour les séminaristes d'Ars. (...)

Notre Eglise du Vietnam compte actuellement 6 millions de catholiques sur 75 millions d'habitants, soit environ 8% de la population. Pour la proportion de catholiques en Asie, nous sommes donc les seconds, après les Philippines. Quant à la persévérance dans les tribulations, notre Eglise a déjà souffert plus de trois siècles de persécution. En 1988, le Saint Père Jean-Paul II a canonisé en un seul jour et pour la première fois un groupe de 117 martyrs du Vietnam 

dont quelques évêques et missionnaires français et espagnols. L'Eglise du Vietnam et l'Eglise de France sont deux Eglises-soeurs. Nous avons reçu la foi des missionnaires de plusieurs pays mais, plus spécialement depuis le XVIIe siècle, des prêtres des Missions Etrangères de Paris. Après eux, sont venus d'autres religieux, notamment les Rédemptoristes canadiens de la province de Sainte Anne de Beaupré. C'est chez eux que Van a découvert et épanoui sa vocation. L'Eglise de France et l'Eglise du Vietnam sont toutes les deux « filles aînées » de l'Eglise. On se souvient encore du « cri » de Jean-Paul II au Bourget, lors de sa visite en France en 1980 : « France, fille aînée de l'Eglise et éducatrice des peuples, qu'as-tu fait de ton baptême ? » Pour l'Eglise du Vietnam, c'est le pape Pie XI, en 1933, quand il a sacré le premier évêque vietnamien, Monseigneur Nguyen Ba Tong, qui lui a dit : « Vous rentrez dans votre pays, le Vietnam, en Extrême-Orient. Continuez l'apostolat missionnaire, car le Vietnam a une grande vocation et une grande mission : c'est la fille aînée de l'Eglise en Extrême-Orient ». (...)

La Cause de Marcel Van est importante parce qu'elle nous offre une vision d'avenir, non seulement pour les prochaines années, mais aussi pour tout le troisième millénaire. Cet avenir regarde non seulement le Vietnam, mais aussi tout le bassin du Pacifique.(...)

La spiritualité de Van nous fascine. Pour ma part, je retiens une phrase gravée à tout jamais dans ma mémoire : « Et voici maintenant la dernière parole que je laisse aux âmes : je leur laisse mon amour, et avec cet amour, si petit soit-il, j'espère rassasier les âmes qui veulent se faire toutes petites pour venir à Jésus. C'est là une chose que je voudrais décrire mais avec mon peu de talent, les mots me manquent pour le faire ». (...)

Marcel Van était un vrai fils du Vietnam, un enfant pieux de sa famille, un sincère ami de la France, mais le point culminant de sa vie, c'est son message d'amour.« Mon occupation unique, c'est de t'aimer. Quelle que soit ma vie, je ne fais qu'aimer ».

Cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan

Préface de l'Autobiographie, Marcel Van

Editions Saint Paul / Amis de Van, Versailles, 2000

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